Funny Games, ou quand Michael Haneke casse ses jouets !
Venant de regarder le DVD de « Funny Games U.S » il y a peu, je reviens sur ce film pour en dire quelques mots.
Tout d’abord, et pour ce que je m’en souviens, la version US change peu de choses par rapport à la première version du film. Peut-être le côté « famille parfaite » est plus développé dans cette version, notamment durant la première scène. Les acteurs de par leurs physiques correspondent aussi plus à ce que l’on a l’habitude de voir dans les films américains. Les quelques petites différences entre les deux versions tendent à le rendre plus classique, donc je conseille la première version.
Ce que j’ai pu lire ici et là sur ce film insiste sur son côté hyper-violent, le tout mélangé d’absurde. On le compare souvent au film « Orange Mécanique » de Kubrick.
Tout cela me semble peu justifié. Si ce film est violent, il l’est surtout psychologiquement. Il nous agrippe dès le départ dans un scénario de plus en plus angoissant, mais rien ou presque y est montré. Tout y est suggéré et l’emprise psychologique sur le spectateur est totale.
C’est là où ce film sort du lot. Il est beaucoup plus angoissant que la majorité des films qui sont censés nous faire peur ou nous choquer. Contrairement à ces derniers, ce film ne se contente pas de jouer sur les ficelles bien connues des films d’épouvante ou encore d’accumuler des scènes ultra-violentes.
Sa logique est beaucoup plus subtile et diablement efficace.
Les victimes sont une parfaite caricature (encore plus poussée dans la version U. S.) de la réussite bourgeoise : famille apparemment harmonieuse, enfant unique (que l’on doute choyé), propriété de vacances au bord de l’eau, Monsieur fait du golf et du bateau, Madame s’apprête à « recevoir ». Ajoutez à cela la voiture familiale et le chien qui vont avec… tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles !
Mais voilà que deux intrus surviennent pour jouer aux grains de sables venant enrayer cette belle mécanique semblant tourner toute seule (en rond ?).
Pourquoi ? Pour rien ! Juste pour s’amuser !
C’est la survenue de l’absurde, de l’imprévu, du « diabolique hasard », qui vient faire s’effondrer le château de cartes qu’on imaginait cathédrale.
Quoi de plus angoissant que de voir ainsi un si beau tableau disparaître pièce par pièce et cela sans « bonne », ni même « mauvaise » raison ?
Les sentiments sont contradictoires car parfois mêlé à cette angoisse face au chaos, on peut se prendre à trouver jubilatoires certaines scènes, non par voyeurisme mais parce que le film met aussi en avant le côté absurde et ridiculement fragile de nos petites vies bien rangées.
Je suis d’ailleurs ici tenté de faire un lien avec le « Deux jours à tuer » de Jean Becker, où Dupontel jouait remarquablement le rôle d’un « petit bourgeois » semant lui-même le chaos dans son existence sans que l’on sache au départ quelle mouche l’a piqué, même si chez Becker contrairement a dans « Funny Games », on finit par connaitre la raison de tout ce tohubohu. Que cette raison soit jugée bonne ou mauvaise, cela change peu de choses au final, car cela contribue de toute façon à nous rassurer.
En tout cas, voilà deux films particulièrement intelligents et subtils mais qui sont pour le coup vraiment à déconseiller aux spectateurs les plus impressionnables et au contraire à conseiller aux plus « sensibles » parce qu’il faut l’être pour en comprendre pleinement le sens.