Les impacts écologiques des NTIC
Transition numérique et transition écologique sont sur un même bateau... à la fin qui boit la tasse ? :-)
Si cette question vous intéresse, je vous conseille de lire "Impacts écologiques des Technologies de l'information et de la communication - Les faces cachées de l'immatérialité", une publication du groupe ÉcoInfo du CNRS.
La transformation actuelle de nos sociétés via ce que l'on nomme la transition numérique passe par l'augmentation continue (et même exponentielle) du nombre d'équipements électroniques. Les plus technophiles y voient une solution (les fameuses "smart city"...) aux périls écologiques pointant à l'horizon. De quoi faire le lien entre ces deux transitions.
Pourtant toutes ces technologiques ne sont elles-mêmes pas sans impacts sur l'environnement, que cela soit via leur consommation d'énergie et de métaux rares, ou encore via les pollutions et toxicités induites tout le long de leur cycle de vie.
Mais comment évaluer les impacts de telle ou telle technologie ?
Par exemple, comment savoir s'il est vraiment judicieux, écologiquement parlant, de changer tel appareil, ancien mais fonctionnel, par tel autre, présenté comme moins consommateur d'énergie ?
Pour ce faire, il faut réaliser ce que l'on nomme une Analyse du Cycle de Vie ("ACV" pour les intimes).
De la mine au recyclage (ou à l'incinérateur...), il nous faut réussir à évaluer les divers impacts de chaque étape : extraction, fabrication, transports, usage, etc.
Essayez seulement d'évaluer la quantité d'énergie nécessaire durant tout le cycle de vie de l'appareil à l'aide duquel vous êtes en train de lire cet article, et vous commencerez à percevoir la difficulté de la chose. Dans notre économie mondialisée, vous êtes bon pour faire le tour de la planète !
À cela, s'ajoute que les facteurs à analyser sont de nature différente.
Par exemple, comment comparer un appareil sobre en énergie, mais très toxique lors de sa conception, avec un autre beaucoup plus "sain" mais plus gourmand en énergie ? On compare des choux et des carottes !
Et même en restant dans le domaine de l'énergie, à supposer un appareil moins gourmand en énergie lors de son usage, mais en nécessitant plus lors de sa conception (on parle d'énergie grise), il pourrait tout de même avoir un intérêt pour le réseau électrique en diminuant la demande globale, notamment lors des pics de consommation...
Et je ne parle pas des effets rebonds qu'ils soient globaux ou individuels, vous amenant à contre-balancer une économie réalisée d'un côté par une dépense de l'autre...
Par exemple : vous vous déplacez de plus en plus à vélo et qu'avec les économies réalisées (en €) vous partez plus souvent en week-end (et en avion tant qu'à faire !), ceci entraînera au final une plus grande consommation de carburant, plus d'émissions de CO2, etc.
Bref, tout cela est bien complexe, ce qui rend l'ouvrage du CNRS salutaire en nous donnant quelques pistes pour mieux s'y retrouver.
Mais, ouvrage scientifique oblige, ne vous attendez pas à y trouver des réponses simplistes.
Au sommaire
Dans son premier chapitre, vous ferez un tour des principaux impacts écologiques des technologies : épuisement des ressources, pollutions, transformation des écosystèmes...
Le deuxième chapitre vous présentera les outils d'évaluation environnementale, dont les fameuses analyses de cycle de vie (ACV) ainsi que leurs limites.
Le troisième chapitre expose différentes études de cas, quand le dernier propose quelques "perspectives critiques".
Bien que ce livre date de quelques années, sa lecture reste d'actualité.
Son caractère scientifique ne doit pas vous effrayer. Il est accessible à toute personne intéressée.
Quelques extraits
Le manque de données pour des produits et services complexes comme les TIC explique que l'on manque encore d'analyses fiables et que le lecteur ou consommateur puisse difficilement trouver dans les analyses existantes des éléments très solides pour forger son opinion ou orienter ses choix d'achats. Mais a-t-on besoin de certitudes absolues pour agir ? Le simple fait de comprendre l'ampleur des impacts écologiques des TIC ne devrait-il pas nous conduire à se questionner sur la surconsommation de ces équipements, à prolonger le plus possible leur durée de vie, à les utiliser de manière responsable ?
Tout au long du cycle de vie du produit, la maximisation du profit financier de chaque agent économique se fait par une rémunération du travail qui est proportionnelle à la quantité de ressources (matière, énergie) qui passe dans son processus de transformation. La maximisation de cette quantité est donc la clé de son optimisation économique. Le problème global de ce modèle économique est dû au fait que c'est un processus linéaire et ouvert. Il n'y a pas de boucle de rétroaction. Pour prendre une image, on peut dire que la planète Terre n'a pas facturé ce qu'elle offrait ni le traitement des déchets qu'elle a assuré. Les règles de la finance n'étant pas des lois de la nature, elle ne le fera jamais, il y aura simplement un épuisement des ressources...
Les liens pour aller plus loin
- Impacts écologiques des Technologies de l'information et de la communication. Pour commander le livre directement sur la boutique du CNRS. Une version e-book est disponible, mais il n'est pas certain qu'elle soit plus écolo :-)
- L'âge des low tech - Vers une civilisation techniquement soutenable. En complément et peut-être pour obtenir une vision plus globale du rapport entre technologies et environnement, je vous encourage également à lire ce livre de Philippe Bihouix, auteur qui est d'ailleurs cité comme source dans le livre du CNRS. Vous y trouverez une critique de la transition écologique, version "smart".
- Le monde devient numérique a-t'il les moyens de le rester. Vidéo d'une conférence d'Alexandre Monnin, que l'on ne peut pourtant soupçonner de technophobie... Bravo pour sa lucidité !
- openLCA Logiciel libre d'Analyse de Cycle de Vie, cité dans l'ouvrage du CNRS.
- Postulat de Khazzoom-Brookes. Une des formes possibles de l'"effet rebond", que j'ai évoqué dans cet article.
- Vidéos des interventions de la rencontre Low-Tech Adrastia du 1er juillet 2017. Avec notamment la présentation de l'étonnant projet Smart Victory Garden, portée par une équipe de la très numérique société Orange envisageant un possible effondrement prochain de notre société techno industrielle...