Cyril Bedel : « Le désir des victimes »
Voici encore un roman que vous aurez sans doute du mal à trouver dans votre librairie préférée mais peut-être encore sur le marché de l’occasion. Il a été publié à l’époque par les Éditions Joëlle Losfeld et les Éditions Blanche, mais ils ne le proposent plus dans leur catalogue. Les Éditions Blanche sont spécialisées dans la littérature érotique, mais ce roman s’il aborde la sexualité de manière très directe serait plutôt anti-érotique. En effet l’auteur aborde le sujet plus que trouble de l’inceste.
L’ouvrage est le récit d’une femme ayant subi des violences sexuelles dès ses plus jeunes années. Le texte prend la forme de ce que je nommerais de la « littérature introspective », c’est-à-dire que plus qu’un récit d’évènements, il s’agit plutôt d’une suite d’impressions de la narratrice, oscillant en permanence entre présent et passé, d’une manière que j’ai trouvée assez confuse.
L’auteur, via sa narratrice dit lui-même à un passage ne pas vouloir faire de la littérature, sans doute dans un but d’authenticité, mais du coup le texte manque souvent de clarté.
D’ailleurs les passages où la narratrice parcourt le cahier intime de son « petit gars » du moment apparaissent beaucoup plus lisibles. Peut-être l’auteur aurait-il gagné à utiliser ainsi la forme du cahier intime pour l’ensemble de son roman ? Il me paraît de toute façon vain de vouloir coller de manière réaliste aux impressions et pensées d’un personnage. A moins peut-être d’enchaîner des bribes de phrases de manière un peu poétique… mais ce n’est pas cette forme non plus qui a été retenue.
Pour ce qu’il en est du fond, le texte est très violent, ce qui me paraît pour le moins normal et donc juste étant donné le sujet. Le moins que l’on puisse dire c’est que les « petits gars », comme nomme la narratrice ses différentes conquêtes masculines, ne sont pas épargnés !
L’ambivalence de son sentiment amour/haine envers son père et plus généralement envers les hommes est très bien exprimée. Idem pour la volonté de se venger en en faisant baver au maximum à ses « petits gars », mais aussi la volonté/l’espoir de s’en sortir.
La dureté des jugements de la narratrice « Marie » m’a rappelé le dégoût que j’avais entendu dans la bouche d’une prostituée parlant de ses clients lors de je ne sais plus quelle émission TV… La « Marie » du roman a d’ailleurs elle-même vendu ses charmes à l’occasion…
À lire donc, malgré mon bémol quant à la forme du récit.
En voici un court extrait :
« Les petits gars, ça m’amuse d’aiguiser leur désir, de les sentir gonfler devant moi, de tenir ça du regard pour m’assurer que jamais ils ne me feront mal, parce que plus personne n’a le droit de me faire mal que moi-même. Ils ne me comprennent pas. Aucun. Même les têtes les mieux faites, les hommes les plus brillants et je m’en suis fait plus d’un, intelligents à la ville ils deviennent cons au lit d’une femme, on leur a dit tellement leur génie qu’ils s’aveuglent.
Pas un homme ne peut imaginer à quel point je les déteste tous, à quel point ils vont payer pour ce qu’ils m’ont fait, même si les psy se réjouissent d’avoir des solutions à tout je leur pisse à la raie. J’ai une vie pour qu’ils payent. Même les psy. Encore un ou deux. »