Le pétrole... toute une histoire !
Il y a quelques mois, je vous invitais à vous procurer l'ouvrage de Matthieu Auzanneau : "OR NOIR, la grande histoire du pétrole", me fiant pour cela uniquement à la qualité de son blog, n'ayant pas encore lu son livre !
Cela a évidemment été fait depuis, et je prends enfin le temps d'actualiser cet article pour partager avec vous quelques réflexions et surtout quelques extraits pour vous donner envie de le lire à votre tour.
Lorsque l'on parle de transition énergétique en France, on a souvent en tête le problème du dérèglement climatique et des émissions de CO2.
Pourtant, il y a bien d'autres raisons de s'y intéresser, et pas seulement parce qu'"on ne peut pas faire autrement".
L'idée de transition peut servir de leitmotiv pour repenser plus généralement le fonctionnement de notre société.
Néanmoins, les contraintes étant souvent à l'origine des innovations et changements, il faut avoir à l'esprit le problème du pic pétrolier.
On peut en discuter la date et le déroulement, mais difficilement l'existence.
Ses conséquences sur notre mode de vie peuvent être autant, sinon plus importantes, que celles occasionnées par le dérèglement climatique. De plus, sa survenue sera sans doute plus brutale.
Si force est de constater que le sujet ne fait pas la Une des médias..., il s'agit du thème principal du blog Oil Man de Matthieu Auzanneau, dont je vous invite à suivre les publications.
Une façon d'envisager les conséquences de ce pic pétrolier est d'étudier l'importance du pétrole dans nos modes de vie, et plus généralement sur l'histoire de nos sociétés depuis l’avènement de l'utilisation de cette source d'énergie.
C'est ce que fait le livre de Matthieu Auzanneau, et avec une érudition qui force le respect !
Il faudrait le lire plusieurs fois pour en faire le tour, tant les références sont nombreuses.
Et, aspect non-négligeable quand il s'agit de se lancer dans la lecture d'un gros livre de plus de 600 pages : le style de Matthieu Auzanneau est très agréable.
Vous aurez l'impression de lire un roman plus qu'un essai, mais le genre de roman dont vous êtes le héros... avec quelques milliards d'autres. Et d'ailleurs, la suite de l'aventure va dépendre de nos choix collectifs.
Mais le mieux pour vous donner envie de le lire est sans doute de partager avec vous les quelques citations que voici :
Dans le déchargement de l'énergie du feu de la thermo-industrie, l'éblouissant avènement de l'abondance énergétique libère une libido consumériste dont peu s'attardent à considérer la magie. Comprise comme énergie vitale, cette libido pourrait ne réclamer aucune solution de continuité avec le flux de joules sans cesse plus énorme dont elle porte les myriades de fruits constellants : il s'agirait de la propagation du même phénomène.
Partout, dans tous les domaines de l'activité humaine, à commencer par la politique, le "technocrate" devient roi. (page 350)
(...) Paramètre décisif mais à peu près ignoré de l'histoire contemporaine, le déclin amorcé par les extractions américaines de bruts après 1970 va déclencher une série d'irrésistibles réactions en chaîne, d'ordre à la fois économique, politique, militaire et écologique. Ces réactions se poursuivent aujourd'hui. (page 373)
(...) Tant que durera l'âge du pétrole, l'azimut principal permettant au monde d'atteindre le zénith coruscant de l'American dream partira toujours des mêmes terres : cette région où l'armée américaine a établi un "Commandement central", le golfe Arabo-Persique noyé de pétrole, transfiguré par l'avidité ou ravagé par la guerre, oscillant entre sidération et haine pour le monde que l'or noir fait mouvoir. (page 476)
L'économiste iconoclaste, qui s'est frotté à l'administration soviétique en 1944 en tant que secrétaire général de la commission roumaine d’armistice avant de passer à l'Ouest, renvoie dos à dos capitalisme et marxisme, coupables d'une même hystérie prométhéenne qui occulte la finitude des matières premières. Ni les capitalistes ni les marxistes ne sont capables de "même concevoir l'existence d'obstacles réels inhérents à la condition humaine", prétend Georgescu-Roegen. Alors que le programme Apollo touche à sa fin, il note qu'il se pourrait "que les efforts prodigieux pour atteindre la Lune correspondent aussi à l'espoir plus au moins conscient de trouver l'accès à des sources nouvelles de basse entropie". Pour Georgescu-Roegen, le piège tendu par la technique est simple : plus l'économie moderne pousse fort les feux de l'industrie, plus elle se rapproche de sa fin. Plus la croissance sera intense, plus elle sera brève. Plus nous planterons de pailles dans le verre des réserves mondiales de brut et plus nous aspirerons fort, plus vite le verre sera vide. (page 519)
(...) Je crains le signe que porte en lui le sourd vacarme universel des prurits de la société de consommation. Le pétrole aura stimulé l'émergence de notre société technique si bellement capable de faire reculer tant de souffrances que la nature inflige. Mais à travers le destin imposé par la soif de pétrole se rassemble aussi, je crois, la grande menace pour cette génération et celles qui viendront ensuite. À tout le moins, cette menace impose de tourner le dos à l'avidité, de ralentir et de simplifier (ce qui pratiquement revient au même) (page 629).
Pour vous le procurer, premier exercice de "transition" : plutôt que de le commander sur "gras'mazone", courez le chercher chez le libraire le plus proche de chez vous et après l'avoir lu, n'oubliez pas de le faire tourner dans votre entourage.
Autre solution : allez tourmenter votre bibliothèque municipale jusqu'à ce qu'elle en commande quelques exemplaires.
Pour finir, vous pouvez aussi visionner une vidéo où l'auteur présente son opus.