Le Marketing de l’apocalypse (essai)
Ancien directeur général d’un des principaux groupes publicitaire français, l’auteur nous fournit dans ce livre un journal de bord de ces derniers jours dans cette entreprise d’où il a été contraint à la démission. C’est le prétexte à un règlement de compte avec le milieu des affaires qu’il n’a que trop bien connu et plus généralement à une critique acerbe du système capitaliste financier. Une lecture plutôt d’actualité donc !
Le style littéraire se veut assez riche avec de nombreuses références culturelles, mais j’ai trouvé le résultat assez confus, les critiques partant dans tous les sens sans réelle cohérence.
Une critique du système par le menu aurait été plus efficace. De plus, toutes les références culturelles (non de tableau, etc.) peuvent avoir un effet négatif en laissant sur la touche des lecteurs ne possédant pas les connaissances nécessaires à leur compréhension. Je vois là une forme de vanité culturelle qui est justement une des marques de fabrique du milieu de la grande bourgeoisie qu’il prétend critiquer. Car par cette érudition affichée, on se vante aussi de ce que l’on a, faute peut-être de pouvoir se vanter de ce que l’on fait.
Sur le fond, on retrouve les mêmes contradictions puisque si l’auteur critique le système capitaliste moderne, il semble bien avoir du mal à expliquer comment il a pu en être un des symboles vivants durant une bonne partie de sa vie professionnelle.
Peut-être s’est-il laissé tenter par le Diable ? Cela collerait à son discours marqué par une rhétorique très chrétienne où le ressentiment est très présent. Après tout le titre du livre fait lui-même référence à un texte chrétien. Au moins là il n’y a pas tromperie.
On aurait néanmoins préféré une critique du « système » plus approfondie, en se posant par exemple la question de la raison pour laquelle le quidam moyen se complait finalement aussi bien dans cette société du tout marketing. Que réclame le peuple, sinon du « pouvoir d’achat » ?
Plutôt que d’attendre une quelconque justice immanente chimérique ou de pleurer sur la tombe du « bon vieux temps » d’une société plus traditionnelle qui répondait de manière tout aussi discutable aux mêmes tendances humaines, il aurait été préférable d’envisager des portes de sortie.
S’il y a un point positif dans la société moderne, c’est précisément qu’elle permet plus aisément à l’individu volontaire de se libérer de toute tradition, pensée unique… pour favoriser l’introspection et le sens critique. Qu’une partie des gens ne vive cet « individualisme » tant décrié que d’une manière caricaturale (le « moi d’abord ») n’enlève rien à son côté potentiellement révolutionnaire. C’est là un deuxième sevrage qui peut révéler toute la spécificité de chaque individu en le libérant des phénomènes de groupe.
Voici une citation du livre :
Les derniers refuges de la vie de l’esprit ou de l’aspiration des âmes n’ont pas échappé au règne du marketing quantitatif : la religion, la culture et le sport sont les dernières victimes de l’argent prédateur. La belle aventure du cinéma américain a sombré sous la loi de la distribution et l’emprise des téléviseurs. Il faut désormais créer des besoins au spectateur comme au lecteur, au sportif, au fidèle. Il faut du programmé. Tout doit se vendre, tout doit être rentabilisé : livres, disques, films de grande consommation pour les salles, vidéos à la maison ou dans les mobiles homes. Le succès mondial du Titanic n’est pas un hasard, mais le premier signe du pressentiment populaire d’un naufrage qui menace l’humanité. Il faut créer des frayeurs, des cauchemars pour faire apprécier les fausses voluptés d’un quotidien banal. Les hautes technologies pourront-elles éviter le pire ? Les technocrates en sont convaincus. Je ne le crois pas. La mort veille et protège son territoire : l’éternité.